Sardaigne

Sardaigne, « peuple premier » de la Méditerranée

La Sardaigne est la plus grande nation sans État à l’intérieur de l’état italien. Ce qu’on peut considérer comme 300 ans de « colonisation culturelle » italienne n’a eu que peu d’effet sur les caractéristiques de ce pays, où le « sardidadi », qu’on peut traduire comme le sentiment sarde, n’est pas ébranlé.

Le drapeau sarde, aussi appelé « Quatre Maures » est apparu au XIVe siècle. Il représentait le royaume de Sardaigne au sein de la couronne d’Aragon. On le trouve sous différentes formes, têtes regardant à droite ou à gauche. La loi sur le drapeau du 15 avril 1999 fixe définitivement les règles quant à sa forme.

Les Sardes sont souvent considérés comme un des plus vieux peuples autochtones d’Europe. Habitant cette île de la Méditerranée depuis des très nombreux siècles, ils n’ont été que très peu influencés par les invasions barbares ou celles d’autres peuples alentours.

Cet isolement relatif a fait de la Sardaigne une nation singulière où les traditions linguistiques et culturelles sont restées très présentes. Du XIe au XIVe siècle, l’île est contrôlée par Gênes, puis par le royaume d’Aragon (la ville de L’Alguer, ancienne capitale, est aujourd’hui encore de langue catalane). L’italien y devint la langue officielle après le catalan en 1764.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que la littérature sarde voit son apogée, déclenchant de vifs débats sur la normalisation linguistique du fait de différences linguistiques importantes. La Sardaigne dispose d’un statut d’autonomie depuis 1948, qui mentionne des droits linguistiques, confirmé par de nombreux textes ultérieurs. Mais dans la pratique ils sont peu suivis d’effets. Le sarde, malgré le nombre de locuteurs, est considéré comme une langue en danger, car elle est pratiquée en privé et ne dispose que de peu de lisibilité publique. Les médias l’utilisent, mais encore trop faiblement.

Les mouvements autonomistes ont une longue tradition en Sardaigne. Les autonomistes du Parti sarde d’Azione, fondé en 1920, ont toujours fait campagne pour le statut de la langue sarde, l’utilisant lors des sessions du Conseil (assemblée). Depuis, d’autres partis plus radicaux ont vu le jour. Il s’agit de partis indépendantistes aux relatifs succès électoraux.

Carte d’identité

Nom Sardigna (Sardinnya) | sarde
Sardenya | catalan
Sardigna | italien
(Sardaigne)
Population 1 651 793 hab. (2007)
Superficie 24 090 km²
Langues Sardu | sarde
Català | catalan (statut de protection)
Italiano | italien (officielle)
Nombre de locuteurs 1 350 000 | sarde (2016)
État de tutelle Italie
Statut officiel Région autonome en Italie
Capitale Casteddu | sarde
Cagliari | italien
(Cagliari)
Religion historique Chrétiens catholiques
Drapeau Cuàturu Morus | sarde
(Quatre Maures)
Hymne Su Patriotu Sardu a sos Feudatàrius | sarde
(Les Patriotes sardes racontent la Féodalité)
Devise Pas de devise

Chronologie

  • 17 siècles av. JC • La civilisation nuragiquie commence, des Sardes construisent plus de 12 000 tours mégalithiques.
  • 227 av. JC • La Sardaigne devient une province romaine.
  • 1000 • La Sardaigne est dirigée par des rois-juges, Caralis, Arborea, Torres, Gallura. Période d’indépendance faste.
  • 1409 • La Sardaigne appartient au royaume d’Aragon jusqu’au traité d’Utrecht signé en 1713.
  • 1720 • Philippe V cède la Sardaigne à l’Autriche, qui la cède ensuite à Victor-Emmanuel II de Savoie.
  • 1794-96 • Révolte contre le roi du Piémont. Les Piémontais sont boutés hors de Cagliari.
  • 1948 • Mise en place du statut de région autonome.
  • 1970-80 • Naissance de mouvements pour le bilinguisme et l’indépendance. Le « vent Sarde » fait évoluer les mentalités.

Zoom historique

Le destin de la Sardaigne change totalement le 8 août 1720, quand est signée à Cagliari sa cession à la famille de Savoie, qui règnera par la suite sur l’Italie. Traitée comme une colonie, la Sardaigne connaît des révoltes à la fin du XVIIIe siècle. En 1793 le Parlement sarde envoie une délégation à Turin pour demander plus de pouvoir après avoir repoussé les troupes françaises qui essayaient d’envahir l’île. Cette promesse, non tenue par Victor-Emmanuel III, déclencha des révoltes contre les Piémontais basés à Cagliari. Ces mouvements révolutionnaires furent rapidement stoppés.

Géographie

La Sardaigne est la deuxième plus grande île de Méditerranée, composée à 80 % de montagnes et de collines. La population est essentiellement concentrée dans la région de Cagliari, ville principale qui est aussi la capitale. Historiquement, elle était composée de quatre régions autonomes, les judicats, gouvernés par des rois élus par le Parlement sarde. Les judicats sont divisés en régions plus petites, les curatorie. Depuis 2005, la Sardaigne est divisée en huit provinces (voir page suivante), malgré l’attachement de la population aux nombreuses micro-régions qui composent le pays. Une grande partie d’entre elles sont représentées sur la carte. L’économie sarde basée sur le tourisme profite du savoir-faire local, que ce soit les vins ou les produits issus de l’agriculture. L’isolement de l’île, bénéfique pour la préservation d’un patrimoine plus que millénaire s’avère cependant être un handicap majeur quand il faut voyager ou exporter. Durant les années 1950, l’état italien a tenté en vain d’industrialiser la région malgré les coûts de transport.

Langues

Sardu


Le sarde est une langue romane, de la famille des langues indo-européennes. Elle ne ressemble toutefois pas aux autres langues du même groupe linguistique, comme l’italien, le français ou le catalan, et s’en distingue à tel point que les linguistes en font souvent un groupe isolé au sein des langues romanes. Deux variantes dominent : le campidanais (et ses propres dialectes) et le logudosais (variante parlée au nord) (le gallurais est pour sa part très proche du corse). L’intercompréhension entre les variantes de la langue est assez aisée. Les premiers documents rédigés en sarde datent du XIe siècle. On estime que sur les 1,6 millions de Sardes, 1,3 millions connaissent la langue, ce qui est exceptionnel pour une langue minoritaire. Malgré le statut d’autonomie accordé en 1948, la protection linguistique du sarde est faible. Pourtant la loi régionale sur la promotion et la valorisation de la culture et de la langue de la Sardaigne (1997) permet en théorie une large protection, mais dans les faits, qu’il s’agisse de justice, d’administration ou de média, le sarde est quasiment absent de tous les domaines de la vie publique. Pire, son enseignement est presque inexistant, l’omniprésence de l’italien mettant en péril cette langue. L’avenir du sarde est plus qu’inquiétant malgré son nombre de locuteurs important dû plus au caractère rurale de la société qu’à une prise de conscience généralisée. Le monde associatif s’attelle à sa promotion en prenant exemple sur les Gallois ou les Catalans.

Zoom politique

Ces dernières années, la situation politique sarde a largement évolué, depuis que la région a obtenu son statut d’autonomie. Le sentiment indépendantiste est de plus en plus présent chez les jeunes générations et le fait que les Sardes constituent une « Nation » différente au sein de l’État italien est aujourd’hui admis. Le débat actuel consiste à réviser le statut spécial de la Sardaigne qui date déjà de 60 ans. Il donnerait plus de pouvoir aux Sardes. Ce projet est soutenu par le Conseil (organe législatif) sarde.

Les partis sardes les plus représentatifs